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France-Tunisie: je t'aime, moi non plus

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France-Tunisie: je t'aime, moi non plus

17 février 2011

Le soutien tardif de la France et de l'Union européenne à la révolution du Jasmin irrite les Tunisiens.

Route express Tunis LaMarsa, by Tab59 via Flickr CC
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Il aura donc fallu attendre un mois pour que l’Union européenne (UE) se décide à proposer une aide concrète à une Tunisie qui peine à sortir de l’insécurité provoquée par les sbires et affidés de l’ancien régime.

En visite à Tunis lundi 14 février, Catherine Ashton, la représentante de l’UE pour la Politique extérieure et de sécurité commune (Pesc), a confirmé que Bruxelles allaitdébloquer dans l’urgence 17 millions d’euros pour aider Tunis à faire face à ses besoins urgents dans un contexte marqué aussi par d’importantes agitations sociales.
Ashton a en outre confirmé que l’Union allait mobiliser 258 millions d’euros entre 2011 et 2013 pour aider la Tunisie à financer son processus de transition et son développement socio-économique.

L'Europe déçoit les Tunisiens

Ces annonces n’ont guère provoqué d’enthousiasme au sein d’une opinion publique qui craint que l’activisme des soutiens de l’ancien régime ne débouche sur de nouveaux troubles, et qui s’inquiète aussi de la dégradation du climat social. «17 millions d’euros? C’est tout? L’Europe se moque des Tunisiens! Ici la situation peut dégénérer à tout moment», s’énerve un jeune patron, qui se dit persuadé que ce n’est que parce que des clandestins tunisiens sont arrivés en masse à Lampedusa (en Sicile) que l’Europe s’est décidée à réagir.

Comme lui, nombre de Tunisiens ne comprennent pas que l’Europe mais aussi la France n’aient pas été plus solidaires. Le sentiment à l’égard de l’ancienne puissance coloniale reste d’ailleurs marqué par un fort ressentiment, même si les Tunisiens rechignent à donner l’impression qu’ils font dans la surenchère. «Oublions ce qui s’est passé avec Alliot-Marie et tous les autres clients de Ben Ali. Mais que la France nous aide à faire patienter les gens qui ont besoin d’argent tout de suite», s’exclame un commerçant de La Marsa, au nord de Tunis.

Mais il y a des signes qui ne trompent pas. Pour avoir tenu des propos élogieux à propos de la ministre française, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Ahmed Ounaïes, a subi la colère de ses concitoyens et des fonctionnaires de son ministère. Il a été obligé de démissionner.
«L’idée est en train de se répandre que la France et l’Europe seraient ravies de faire déraper la Révolution. A ce jour, il est étonnant qu’aucun responsable français ne se soit déplacé à Tunis, ne serait-ce que pour soutenir haut et fort le changement de régime», s’indigne un journaliste du quotidien tunisois La Presse.

La France montre enfin son soutien

Ce sera chose faite le 22 février prochain, quand Christine Lagarde, ministre de l’Economie, se rendra à Tunis pour rencontrer le Premier ministre Ghannouchi. «Quand le mur de Berlin est tombé, combien de temps ont mis les responsables français pour se déplacer derrière l’ex-rideau de fer?», s’interroge encore le jeune patron. Mais Paris a peut-être enfin saisi le message: le vendredi 11 février, le Premier ministre François Fillon a ainsi déclaré que la France soutenait officiellement le processus de transition en Tunisie et qu’elle allait encourager l’Europe à lui octroyer le statut du partenariat avancé (dont bénéficie déjà le Maroc).

Mieux: ce mercredi 16 février, Paris a annoncé, à l’issue du Conseil des ministres, que la France avait la volonté d’être au premier rang pour aider la Tunisie, et qu’elle soutiendrait la conférence des donateurs internationaux prévue à Tunis au mois de mars prochain.

Le président Nicolas Sarkozy veut même un «plan d’action pour la Tunisie» dans les domaines suivants: la démocratie, l’Etat de droit, la lutte contre la corruption, la modernisation de l’économie, le développement de l’emploi et, enfin, le renforcement des contacts entre les sociétés civiles.
Des annonces qui ont été plus ou moins médiatisées à Tunis, mais dont il reste à savoir si elles vont convaincre les Tunisiens de la sincérité de la France dans son soutien à leur jeune Révolution. Coïncidence un peu fâcheuse, depuis le début de la semaine, c’est surtout la décision de l’avocat français Olivier Metzner de défendre Imed Trabelsi, le neveu de la femme du président déchu Ben Ali, qui alimentait l’incompréhension des médias tunisiens.

Akram Belkaïd
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